Le réseau P4H a créé un cadre d’économie politique pour aider les points focaux nationaux de P4H (P4H-CFP) à faire avancer les réformes de la protection sociale de la santé (PSM) et du financement de la santé (FSS).
Piloté au Cambodge et au Cameroun en 2023, il aide les P4H-CFP à comprendre les économies politiques nationales afin d’améliorer la collaboration et les réformes.
Le rôle central de l’économie politique dans les réformes du PSM et de l’HF est largement reconnu.[1] Il a été démontré que l’économie politique, qui englobe les facteurs politiques, économiques et sociaux d’un pays, influence l’adoption et la mise en œuvre des réformes[2],[2] et, en fin de compte, le succès de toute réforme du secteur de la santé.[1] La méthodologie de l’analyse de l’économie politique (AEP) est moins claire, avec divers cadres qui tentent de combler le fossé entre la théorie et la pratique[1],[3],[6] L’application de l’AEP varie d’un pays à l’autre en raison de la diversité des conditions de l’économie politique.
Une réforme réussie de la couverture sanitaire universelle (CSU) dans n’importe quel pays implique des dialogues politiques et des actions coordonnées d’au moins trois secteurs principaux qui relèvent des ministères des finances, de la santé et de la sécurité sociale ou de la protection sociale, afin de soutenir une PSM et une CSU équitables et financées de manière adéquate pour tous.
Approche P4H de l'économie politique du partenariat
Le cadre de résultats du réseau P4H inclut l’innovation dans le domaine du PSM et de l’HF.
Le programme Leadership for UHC, mis en œuvre avec succès en Afrique et en Asie depuis 2014, est un exemple marquant d’une innovation établie de P4H.
Une innovation plus récente est née d’une exploration de l’économie politique du partenariat.
Son développement a impliqué un engagement avec des universitaires et des praticiens experts pour créer un cadre, concevoir des instruments et tester l’outil d’économie politique de P4H pour le partenariat.
L’équipe de recherche qui a mené le test pilote comprenait un chargé de recherche et deux P4H-CFP.
Le travail de P4H-CFP dans différents pays suggère qu’en plus des compétences techniques et sociales, les P4H-CFP ont besoin d’un sens politique.
L’approche du partenariat fondée sur l’économie politique peut contribuer à la facilitation des dialogues politiques et a été développée à cette fin.
Le cadre conceptuel d’économie politique proposé pour le partenariat est basé sur les “4I” – intérêts, institutions, idées, idéologie – ou quatre variables qui influencent les résultats de la politique de santé :
(1) les intérêts des décideurs et de divers autres acteurs,
(2) les institutions politiques formelles et les institutions informelles telles que l’héritage des politiques passées ou les normes culturelles,
(3) des idées telles que des solutions politiques spécifiques, des informations, des concepts et paradigmes dominants qui influencent la réflexion sur un sujet, et
(4) l’idéologie qui peut représenter une vision du monde particulière.[7]
Dans le cadre conceptuel, le renforcement des collaborations est placé au centre des trois secteurs interconnectés dans les collaborations SHP et HF.
Dans le graphique du haut, ce centre est représenté par “P4H” car c’est le rôle de P4H d’agir en tant qu’honnête courtier et de construire des cadres pour l’action nationale, régionale et mondiale.
Le cadre méthodologique offre un guide et des étapes pratiques pour explorer le lien et la relation entre les variables de l’économie politique et les partenariats(voir figure).
Ces liens et relations permettent de tirer des leçons essentielles pour le développement et la promotion des partenariats aux niveaux mondial, régional et national.
Application du cadre aux partenariats
La méthodologie d’application du cadre comprend quatre étapes séquentielles: premièrement, l’identification du sujet d’intérêt, ou énoncé du problème ; deuxièmement, une analyse documentaire de la littérature évaluée par les pairs et de la littérature grise sur le sujet identifié ; troisièmement, une série d’entretiens semi-structurés avec des informateurs clés suivant un guide thématique ; et enfin, l’élaboration, l’examen et la cartographie d’un plan d’action.
Le réseau P4H a choisi de piloter le cadre au Cambodge et au Cameroun pour vérifier (1) si ces pays connaissaient des blocages substantiels et profondément enracinés à la réforme, (2) l’étendue de l’implication du réseau P4H dans le processus de réforme et (3) la complexité de la mise en œuvre des réformes souhaitées.
Le travail a commencé par la compréhension des problèmes auxquels les PFC étaient confrontés, afin d’identifier le sujet ou l’énoncé du problème.
L’équipe de recherche pilote a ensuite procédé à une analyse documentaire qui lui a permis d’identifier les informateurs clés à interroger.
Les entretiens visaient à approfondir la compréhension des idéologies, des idées et des intérêts des informateurs, tout comme les P4H-CFP pourraient chercher à comprendre les idéologies, les idées et les intérêts de leurs interlocuteurs dans d’autres pays où ils pourraient être des organisateurs et des facilitateurs de travail collaboratif.
Pour faciliter ces entretiens, l’équipe a élaboré un guide thématique organisé autour des quatre variables du cadre conceptuel.
Résultats du projet pilote : applicabilité et utilité pour la collaboration
Le projet pilote a permis d’identifier comment les différentes parties prenantes pourraient collaborer plus efficacement aux réformes du PSM et de l’HF dans les pays pilotes.
La collaboration impliquerait de coordonner les actions des différents partenaires pour atteindre des objectifs communs et de travailler pour identifier et surmonter les contraintes et les goulets d’étranglement.
Le projet pilote a également clarifié le fait que le travail de partenariat de P4H informe et promeut la communication entre les partenaires du développement, et entre les partenaires du développement et les organes gouvernementaux.
La mise en œuvre des quatre étapes a confirmé l’importance d’identifier précisément le problème à traiter et d’approfondir jusqu’à l’obtention d’un consensus.
L’analyse documentaire a permis aux coordinateurs de P4H de mieux connaître le sujet ou le problème et de clarifier les politiques et les positions de chaque partie prenante.
Ces informations ont renforcé la capacité des coordinateurs de P4H à interroger les personnes interrogées au cours des entretiens.
La valeur de l’auto-réflexion des P4H-CFP – qui fait partie de l’outil d’économie politique P4H – pour identifier leurs propres opinions, valeurs et positionnements a été confirmée.
Les entretiens avec les acteurs clés ont permis aux P4H-CFP de recueillir de nouvelles informations, ce qui a renforcé leur compréhension de la position de chaque acteur et leur vision de la manière de favoriser une plus grande collaboration.
Malgré les complexités inhérentes au PSM et à l’HF pour la santé publique universelle, l’application du cadre d’économie politique aux partenariats s’est avérée utile dans les deux pays.
Au Cameroun, l’application de l’outil a enrichi la capacité de P4H-CFP à réfléchir et à discuter des questions relatives à l’économie politique de la santé publique universelle avec un large éventail d’acteurs.
Au Cambodge, l’action analytique étape par étape a encouragé la P4H-CFP à se familiariser avec les questions à aborder pour stimuler la réforme.
L’analyse documentaire a permis aux P4H-CFP de mieux comprendre le contexte de la réforme dans le pays.
Les entretiens ont mis en évidence les différences d’idées et d’idéologies entre les acteurs sur les questions de santé publique, comme la mesure dans laquelle les contraintes fiscales l’emportent sur la préoccupation de la santé en tant que droit de l’homme, ou sur les questions d’alignement, comme le consensus sur la priorité à accorder aux femmes et aux enfants.
Le projet pilote a permis d’identifier les facteurs qui ont entravé les progrès de la politique, tels que les coûts, les priorités divergentes des parties prenantes, la flexibilité variable des partenaires et les changements dans le paysage politique.
En outre, le projet pilote a suscité l’intérêt d’autres acteurs concernés par l’EEP.
Au Cameroun, toutes les personnes interrogées ont demandé à ce que les résultats soient partagés, ce qui a donné à P4H-CFP l’occasion d’organiser un atelier sur les points de blocage et d’alignement.
Cette activité devrait être une discussion ouverte entre les acteurs qui favorisera une plus grande confiance et une meilleure collaboration entre eux.
Le projet pilote a également révélé que le cadre doit être adapté aux contextes nationaux.
L’équipe de recherche a observé que les P4H-CFP et d’autres acteurs dans différents contextes nationaux pourraient tirer le meilleur parti d’une approche continue de l’économie politique du partenariat, plutôt que d’un exercice ponctuel.
Potentiel de l'outil
Le cadre des 4I est largement utilisé pour analyser l’économie politique et convient parfaitement pour analyser l’économie politique du partenariat dans un contexte particulier.
Dans ce projet pilote, il a permis aux P4H-CFP d’identifier une voie qui renforce la collaboration entre les parties prenantes et les a aidés à affiner leur compréhension du paysage de la réforme.
Les subtilités entre les concepts d’idées et d’idéologie sont difficiles à saisir.
Il peut donc être utile de revoir le cadre conceptuel, car les experts qui travaillent sur les collaborations pour les réformes du PSM et du HF l’utilisent dans différents contextes nationaux.
Des défis analytiques subsistent, mais l’outil d’économie politique sera un complément utile au travail des P4H-CFP.
Ce qui est proposé, développé et appliqué par le réseau P4H est un premier pas essentiel pour favoriser une plus grande collaboration entre les partenaires, tout en préservant leurs différents intérêts et positionnements dans la prise de décision et la mise en œuvre des activités.
Bien que ce travail ait été initié par le réseau P4H dans le cadre de son mandat d’innovation, au fur et à mesure que son application évolue, les pays doivent s’approprier pleinement le processus.
Références
[1] Sparkes SPB, J B ; Özçelik, E A. Political Economy Analysis for Health Financing Reform.
Health Systems & Reform 2019 : 183-94.
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31369319/
[2] Hanson K, Brikci, B, Erlangga, D, et al.
The Lancet Global Health Commission on financing primary healthcare : putting people at the centre (Commission sur le financement des soins de santé primaires du Lancet Global Health : placer les personnes au centre).
The Lancet Global Health 2022.
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35390342/
[3] DFID.
Political Economy Analysis – How To Note, 2009.
https://thepolicypractice.com/political-economy-analysis-how-note-dfid-2009
[4] Stuckler D FAB, Basu S et McKee M. The political economy of universal health coverage.
Premier symposium mondial sur la recherche en matière de systèmes de santé.
Montreux : OMS ; 2010.
https://researchonline.lshtm.ac.uk/id/eprint/2157/
[5] Reich MR. Analyse de l’économie politique pour la santé.
Bull World Health Organ 2019 ; 97(514).
https://iris.who.int/handle/10665/326282
[6] Rizvi SS, Douglas R, Williams OD, Hill PS.
The political economy of universal health coverage : a systematic narrative review (L’économie politique de la couverture sanitaire universelle : une analyse narrative systématique).
Health Policy and Planning 2020 ; 35(3) : 364-72.
https://www.researchgate.net/publication/338432543
[7] Fox A, Reich, MR. The politics of universal health coverage in low and middle-income countries : a framework for evaluation and action (La politique de la couverture sanitaire universelle dans les pays à revenu faible et intermédiaire : un cadre pour l’évaluation et l’action).
Journal of Health Politics, Policy and Law 2015 ; 40 : 1023-60.
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26195606/