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Comment COVID-19 redéfinit-il les priorités en matière de ressources nationales et d'aide au développement dans le secteur de la santé ? - P4H Network

Comment COVID-19 redéfinit-il les priorités en matière de ressources nationales et d’aide au développement dans le secteur de la santé ?

La pandémie de COVID-19 a balayé le monde, remodelant le paysage sanitaire mondial et déclenchant la crise économique la plus profonde depuis la Grande Dépression. La pandémie a clairement montré l’interdépendance de la santé et de la sécurité économique.
Si la sécurité sanitaire, qui consiste à réduire la vulnérabilité des sociétés face à des pandémies telles que le COVID-19, est un objectif distinct, elle est liée aux efforts déployés pour parvenir à une couverture sanitaire universelle (CSU). La réalisation de la santé universelle et de la sécurité sanitaire nécessite un socle de biens communs pour la santé, produits par des systèmes de santé solides et résilients. La crise a mis en évidence cette interdépendance.
La réponse immédiate et globale au COVID-19 doit renforcer les systèmes universels qui contribuent à la fois à la sécurité sanitaire et à la CSU. Cela aura une incidence sur la manière dont les ressources nationales et l’aide au développement, actuellement acheminées vers le secteur de la santé, devraient être utilisées pour se prémunir contre les futures situations d’urgence et maintenir la couverture des services essentiels.

COVID-19 aura une incidence sur le financement public national et les priorités de l’aide au développement dans le domaine de la santé.

La pandémie de COVID-19 a provoqué une énorme crise économique affectant tous les pays. Le Fonds monétaire international (FMI) prévoit que plus de 170 pays connaîtront une croissance négative de leurs revenus en 2020, ce qui constitue un net revirement par rapport à la situation qui prévalait il y a quelques mois, lorsque 160 pays étaient censés connaître une croissance. Selon les estimations, le ralentissement économique résultant du COVID-19 pourrait faire basculer 71 millions de personnes dans l’extrême pauvreté d’ici 2020, l’Afrique subsaharienne et l’Asie du Sud étant les régions les plus touchées. Bien que l’ampleur et la durée réelles de la crise soient encore inconnues, les gouvernements s’empressent de mobiliser et d’allouer des fonds pour la réponse d’urgence au COVID-19 afin de maintenir la stabilité macroéconomique tout en atténuant l’impact de la crise sur les ménages vulnérables, les entreprises et les services essentiels. Ces derniers mois, plus de 90 pays ont demandé l’aide du FMI et plus de 100 ont reçu le soutien de la Banque mondiale pour lutter contre le COVID-19.
L’impact de la crise économique sur les dépenses de santé peut être significatif. À court terme, les dépenses de santé sont susceptibles d’augmenter en raison des mesures prises par les pays. À moyen terme, on peut s’attendre à une baisse des recettes fiscales et à une augmentation des obligations de la dette publique, ce qui exercera une pression sur la marge de manœuvre budgétaire disponible pour les dépenses publiques. Les pays dont les systèmes de financement de l’assurance maladie sociale reposent sur des contributions provenant de l’impôt sur le revenu des personnes physiques seront affectés par la hausse du chômage et la baisse des salaires. Les premières analyses basées sur les prévisions du FMI et du groupe de la Banque mondiale concernant l’impact économique dans certains pays asiatiques indiquent que les dépenses publiques en matière de santé diminueront en l’absence de mesures d’adaptation et/ou de redéfinition des priorités. Les crises précédentes nous ont également appris que les femmes et les enfants pauvres sont affectés de manière disproportionnée par la vulnérabilité économique et sont plus exposés aux conséquences négatives liées à la santé.
Le secteur de la santé sera soumis à des pressions financières à moyen et long terme en raison des contraintes de recettes et des demandes de dépenses découlant de la nécessité d’augmenter les investissements dans les fonctions essentielles de la santé publique, ainsi que du retard ou de l’élimination des soins essentiels pour les affections autres que la COVID-19. En prenant des mesures pour répondre à ces pressions, les décideurs politiques devraient éviter les approches qui, au mieux, ne fournissent que des ressources supplémentaires limitées au prix d’une plus grande vulnérabilité du système aux chocs, telles que les politiques qui lient le financement et la couverture au statut de l’emploi.
La pression financière sur les pays est évidente, mais les effets de COVID-19 sur l’aide au développement ne peuvent pas encore être mesurés. Les pays à revenu élevé ont été durement touchés et les pressions budgétaires nationales pourraient conduire à des réductions de l’aide au développement, précisément au moment où les pays à revenu faible ou intermédiaire ont le plus besoin d’aide. Compte tenu de ces pressions concurrentes, les institutions financières internationales et les partenaires techniques qui peuvent fournir l’assistance nécessaire doivent apporter un large soutien. Dans le secteur de la santé, COVID-19 réaffirme la nécessité pour les pays d’harmoniser leurs modèles de prestation de services, d’améliorer leur gouvernance en matière de santé et leurs modalités de financement, et de donner la priorité aux services de soins communautaires et personnels et aux autres services afin de maximiser l’utilisation des ressources disponibles. Les agences sanitaires devraient donc se concentrer sur le soutien aux pays pour une réponse immédiate et sur des actions visant à renforcer les systèmes de santé à moyen terme afin de consolider les bases de la sécurité sanitaire et de la couverture sanitaire universelle (CSU).
Ces dernières années, la transition des donateurs a occupé une place prépondérante dans les débats sur le financement de la santé dans de nombreux pays à revenu faible ou intermédiaire. Nombre de ces transitions sont basées sur des seuils liés au revenu national brut par habitant[1]. Dans le cas de la transition, les seuils sont basés sur le revenu national brut par habitant d’un pays. Compte tenu de l’impact attendu du COVID-19 sur la croissance économique et la capacité fiscale, les ressources nationales destinées à compenser la réduction du financement des donateurs seront soumises à une forte pression.
Toutefois, la réponse à COVID-19 offre également une occasion importante de gérer plus efficacement la transition et l’interface entre le financement national et le financement extérieur. Les partenaires devraient collaborer pour soutenir un renforcement plus efficace et plus cohérent des systèmes visant à améliorer la sécurité sanitaire et à accroître la couverture effective des services essentiels. Les approches précédentes ont contribué à l’obtention de résultats spécifiques, mais aussi à la création d’inefficacités qu’il est important de corriger pour renforcer la durabilité et préparer les transitions. Les approches futures doivent s’attaquer au manque d’attention accordée aux biens communs de la santé, en particulier aux opérations de santé publique, ainsi qu’à la fragmentation excessive des flux de financement pour les services et systèmes essentiels, et aux multiples chaînes de responsabilité.

La préparation à la pandémie et la capacité de réaction doivent devenir l’étape zéro du programme CSU.

La pandémie rappelle au monde entier que la préparation et la réponse aux pandémies sont un bien commun pour la santé. Des systèmes de santé fragiles et mal préparés constituent une menace pour la sécurité économique mondiale. Alors que le monde sort de la réponse immédiate à la crise, les pays et les partenaires de développement doivent repenser leurs priorités de financement. Ils doivent placer les opérations essentielles de santé publique, telles que les systèmes de surveillance, l’eau et l’assainissement et la promotion de la santé, au cœur des stratégies de développement des systèmes de santé. Malgré les avertissements répétés et leur coût relativement abordable, le niveau d’investissement dans ce type de bien commun pour les fonctions de santé est clairement insuffisant. Le monde voit aujourd’hui en temps réel les conséquences de ce manque d’investissement. Les pays utilisent les fonds alloués à la réponse COVID-19 pour combler les lacunes en matière de surveillance, de systèmes de communication des risques et de capacité à faire face à une forte augmentation de la demande. Toutefois, ces investissements doivent être réalisés avec discernement si l’on veut qu’ils soient soutenus à long terme, en veillant à les harmoniser avec d’autres initiatives visant à renforcer les systèmes de santé.

Les ressources nationales et extérieures devraient être utilisées plus efficacement pour maintenir et accroître la couverture des services essentiels.

Le ralentissement économique mondial provoqué par la pandémie exigera une utilisation plus efficace des ressources provenant à la fois de sources nationales et de donateurs. Outre l’impact direct du COVID-19, la pandémie aura des effets indirects importants sur la couverture des services essentiels (voir exemples : a, b, c, d, e, f,). Il ne suffit pas que les systèmes de santé résistent aux futures épidémies, il faut aussi protéger et étendre les progrès durement acquis dans la couverture des services de santé essentiels.
À cette fin, les pays et leurs partenaires doivent collaborer avec la société civile pour faire pression en faveur d’un financement adéquat et collectif de la santé, en accordant la priorité aux biens communs de la santé. Alors que les pays s’empressent de combler leurs déficits de recettes, le moment est peut-être venu de faire ou de refaire l’apologie des taxes en faveur de la santé et de la réduction des subventions aux combustibles fossiles. Ces mesures politiques peuvent être bénéfiques pour la marge de manœuvre budgétaire et la santé. Dans un souci de durabilité, il faut également veiller à renforcer les systèmes de gestion des finances publiques et à améliorer les achats stratégiques afin d’étendre la couverture et de mieux utiliser les ressources.
Au niveau sectoriel, les ministères de la santé et les agences connexes (par exemple, les caisses d’assurance maladie) devraient s’efforcer d’utiliser au mieux les ressources publiques disponibles pour protéger et accroître les services essentiels et communiquer de manière transparente les résultats obtenus. Il s’agit également d’améliorer la gouvernance et de veiller à ce qu’une attention particulière soit accordée à l’équité, aux personnes marginalisées et aux laissés-pour-compte. Actuellement, la fragmentation excessive des modalités de financement va à l’encontre de la création de systèmes de santé résilients et bien préparés qui fournissent des services communautaires rentables et des services individuels de qualité centrés sur le patient.

Conclusion
Les périodes de crise offrent une occasion unique de s’attaquer à des obstacles persistants qui ont longtemps été hors de portée. D’un point de vue historique, les investissements collectifs dont nous bénéficions aujourd’hui ont souvent été réalisés en réponse à des périodes difficiles, mais il serait erroné de penser que les solutions logiques et technologiques suffisent à elles seules. La volonté politique, le plaidoyer des groupes de la société civile et des entreprises privées et le soutien des partenaires internationaux jouent un rôle essentiel. La pandémie est un tournant vers des approches différentes dans le secteur de la santé, tant en ce qui concerne ce qui devrait être financé que les instruments et les approches basés sur les réflexions et les priorités décrites ci-dessus.
L’Accélérateur pour l’accès aux outils COVID-19 récemment lancé et les reconstitutions réussies des fonds d’intervention d’urgence COVID-19 de Gavi, de l’Alliance du vaccin, du Fonds mondial, de la Facilité de financement mondiale et de la Banque mondiale (160 milliards de dollars) offrent la possibilité d’aider les pays à renforcer leurs systèmes de santé pour atteindre les biens communs pour la santé et améliorer l’accès aux services de santé essentiels sans difficultés financières (ou CSU). Le plaidoyer des partenaires de CSU2030, les engagements conjoints et la collaboration dans le cadre du Plan d’action mondial pour une vie saine et un bien-être pour tous et de son Accélérateur de la finance durable devraient contribuer à faire avancer les choses.

[Gavi, l’Alliance du vaccin, fonde ses critères d’éligibilité sur la moyenne du RNB sur trois ans, avec quelques ajustements, tandis que le Fonds mondial fonde son éligibilité à la fois sur des seuils de revenus et sur la charge de morbidité. Pour la Banque mondiale, le passage de l’Association internationale de développement à la Banque internationale pour la reconstruction et le développement est basé sur les niveaux de revenus.

Les contributeurs spécifiques sont : Maria Skarphedinsdottir CSU2030 Core Team, Santiago Cornejo Gavi, l’Alliance du vaccin, Michael Borowitz Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, Joe Kutzin Organisation mondiale de la santé, Gouvernance et financement des systèmes de santé, Toomas Palu Groupe de la Banque mondiale, Santé, nutrition et population, Ellen Van de Poel Facilité de financement mondiale, Susan Sparkes Organisation mondiale de la santé, Gouvernance et financement des systèmes de santé.

Crédit photo : OMS/Fid Thompson