Le système de santé irakien, autrefois robuste, s’est détérioré en raison de décennies de conflit, de sanctions et de mauvaise gouvernance, laissant la plupart des citoyens sans assurance et dépendant d’un secteur public sous-financé, en proie à des pénuries de personnel et à l’inefficacité. Pour remédier à cette situation, un modèle d’assurance maladie collaboratif intégrant le contrôle public et la gestion du secteur privé est proposé afin d’étendre la couverture, d’améliorer la qualité des services et de jeter les bases d’une réforme à long terme.
Le système de santé irakien, qui était autrefois un modèle régional d’excellence médicale, est aujourd’hui confronté à une grave crise due à des décennies de conflit, de sanctions et de négligence chronique. La violence et l’instabilité prolongées ont poussé un grand nombre de professionnels de la santé à émigrer, créant une grave pénurie de personnel et de ressources. La méfiance de la population à l’égard des soins de santé gérés par le gouvernement s’est accentuée après la pandémie de COVID-19, qui a révélé – et exacerbé – les faiblesses fondamentales des infrastructures et de la prestation de services. En conséquence, de nombreux Irakiens cherchent à obtenir de meilleurs soins à l’étranger ou se tournent vers un secteur privé en pleine expansion, ce qui a pour effet de diviser l’accès aux soins selon des critères économiques et d’accroître les disparités en matière de santé.
La protection sociale et les soins de santé en Irak sont traditionnellement étroitement liés à l’emploi dans le secteur public. Cependant, l’augmentation du chômage et de la pauvreté – aggravée par la pandémie – a laissé la majeure partie de la population sans assurance. Près de 96 % des Irakiens n’ont pas d’assurance maladie et sont contraints de dépendre de services publics sous-financés et disposant de peu de ressources. L’aide sociale en Irak est fragmentée entre plusieurs systèmes, tels que les pensions des employés de l’État, la sécurité sociale du secteur privé, les cartes de rationnement et le réseau de sécurité sociale (SSN), avec peu de coordination, une duplication des prestations et une couverture incomplète, en particulier pour les personnes les plus vulnérables. Les organisations non gouvernementales et confessionnelles tentent de combler ces lacunes, mais leurs ressources sont limitées et font souvent double emploi.
Les systèmes formels de protection sociale s’étendent aux travailleurs des secteurs public et privé, mais restent inégaux, avec une couverture particulièrement limitée pour les employés du secteur privé. Parmi les principales initiatives nationales figurent la loi sur la protection sociale de 2014 et la feuille de route stratégique sur la protection sociale en Irak, qui visent à créer un filet de sécurité plus complet. Parmi les efforts récents, citons l’enregistrement et la couverture des personnes déplacées à l’intérieur du pays (PDI) dans les programmes d’aide en espèces, bien qu’une partie importante de la population reste en dehors des filets de sécurité contributifs et non contributifs.
La trajectoire du pays en matière de soins de santé a été façonnée par son histoire tumultueuse. Dans les années 1970 et 1980, le système de santé irakien offrait des soins de qualité, entièrement subventionnés, avec un accès généralisé aux hôpitaux et aux cliniques, grâce à un financement important de l’État. L’isolement international, les guerres et les sanctions, à partir des années 1980, ont décimé les infrastructures et réduit le financement public. Les sanctions ont entraîné une diminution spectaculaire des importations essentielles, une hausse de la mortalité infantile et le déclin des infrastructures. Au milieu des années 1990, le programme “Pétrole contre nourriture” des Nations unies a permis d’atténuer partiellement les pénuries, mais n’a pas pu inverser la tendance à la détérioration. Les efforts de reconstruction déployés après 2003 ont permis d’augmenter les dépenses de santé, mais la mauvaise gestion persistante, l’insécurité permanente et l’émigration continue du personnel ont empêché une véritable reprise.
Des réformes juridiques récentes, telles que la loi sur l’assurance maladie de 2020, visent à restructurer le système en confiant la gestion à des prestataires privés et en rendant l’assurance obligatoire pour certains groupes. Cependant, la mise en œuvre est lente, entravée par le manque de sensibilisation, les contraintes financières et la dépendance à l’égard de l’initiative gouvernementale. Entre-temps, le secteur privé continue de se développer, mais la couverture de l’assurance privée reste minime, et les dépenses élevées des patients laissent la plupart des Irakiens vulnérables aux difficultés financières liées aux coûts des soins de santé.
Pour aller de l’avant, le document plaide en faveur d’un modèle d’assurance maladie fondé sur la collaboration. Cette approche associerait la responsabilité publique en matière d’accessibilité et de qualité à la gestion du secteur privé, dans le but d’étendre la couverture, de réduire la pression sur les services publics et de garantir des soins de meilleure qualité. Les recommandations portent notamment sur la consolidation des programmes d’aide sociale fragmentés, l’investissement dans la formation médicale et l’expansion de la main-d’œuvre, la numérisation des dossiers médicaux, le suivi des médicaments pour éviter la contrebande, et l’établissement de partenariats pour la formation médicale et le transfert de technologie. En outre, il est proposé de réformer le climat des affaires pour encourager les partenariats public-privé, la couverture d’assurance obligatoire et les transitions de financement progressives, y compris les subventions publiques ciblées pour les pauvres. Des campagnes d’éducation publique seront essentielles pour assurer la compréhension et la participation des citoyens au nouveau système. Ces mesures peuvent offrir une stabilisation à court terme tout en jetant les bases d’une réforme globale et équitable des soins de santé en Irak.