Les réductions de l’aide américaine ont mis en lumière les profondes vulnérabilités des systèmes de santé du Pacifique, soulignant la dépendance à l’égard des financements étrangers. Une amélioration durable nécessite la mise en place d’un système, une plus grande responsabilité locale et des investissements dans la main-d’œuvre et la gouvernance pour une souveraineté durable en matière de santé.
Les récentes réductions de l’aide des États-Unis sous Donald Trump ont créé une crise pour les départements de la santé du Pacifique, laissant des programmes essentiels – en particulier les initiatives de lutte contre le VIH/sida à Fidji et en Papouasie-Nouvelle-Guinée – en danger juste au moment où les deux pays sont confrontés à des taux d’infection en forte hausse. L’Australie est intervenue en fournissant un financement d’urgence, mais cela n’a fait que réparer temporairement un système vulnérable trop dépendant de l’aide extérieure. La dépendance de la région à l’égard de l’aide internationale pour le maintien du système de santé persiste depuis l’indépendance, avec des contributions majeures de donateurs tels que l’USAID, l’AUSAID et le DFAT, ainsi que de nombreuses ONG. Malgré ces efforts, les résultats sanitaires fondamentaux des populations du Pacifique restent parmi les pires au monde, marqués par des taux élevés de maladies non transmissibles, une stagnation de la santé maternelle et infantile, et des infrastructures de santé en difficulté – illustrées par des cas tragiques où des mères accouchent sur le sol des hôpitaux et où des corps décédés sont conservés dans des morgues improvisées. Les dépenses de santé dans les pays du Pacifique restent faibles, avec une moyenne de seulement 4,3 % du PIB, contre une moyenne mondiale de 6,1 %, ce qui fait que les systèmes manquent de ressources et sont mal préparés aux situations d’urgence.
La pandémie de COVID-19 a mis en évidence cette vulnérabilité : des capacités internes inadéquates et des réponses tardives dues à la dépendance à l’égard de l’aide étrangère ont entravé les mesures de santé publique et ont prolongé les perturbations sociales et économiques. Le cœur du problème ne réside pas seulement dans les ressources, mais aussi dans la responsabilité et la durabilité. Les projets à court terme menés par les donateurs prennent souvent le pas sur les investissements systémiques et la responsabilisation des acteurs locaux, ce qui freine l’évolution vers des systèmes de santé autonomes. Pour que le Pacifique devienne résilient, il est nécessaire de procéder à une réorientation stratégique : passer de projets fragmentés à la mise en place d’un système global. Cela implique que les donateurs élaborent des plans de transition en collaboration avec les gouvernements locaux, en donnant la priorité aux réformes structurelles telles qu’une gouvernance transparente, des systèmes d’information sanitaire robustes, la préparation aux situations d’urgence et, surtout, l’investissement dans le développement de la main-d’œuvre locale. La formation régulière et le renforcement des capacités doivent passer au premier plan, afin de réduire la dépendance à l’égard de la supervision étrangère.
En outre, des stratégies de sortie devraient être négociées dès le départ dans les programmes des donateurs, comme le tentent actuellement les Samoa et les Tonga qui planifient la viabilité des programmes de vaccination après l’intervention de Gavi. La mesure du succès des donateurs doit également changer : plutôt que de se concentrer sur des résultats tels que le nombre de cliniques ou de vaccins, l’attention doit se porter sur la véritable résilience du système, c’est-à-dire sur sa capacité à fonctionner sans aide extérieure. En fin de compte, ce mouvement vers ce que l’on appelle la “souveraineté sanitaire” n’est pas simplement une question de bonne politique, mais une question de sécurité et de survie nationales. Les récentes perturbations démontrent qu’il est urgent que les nations du Pacifique assument un plus grand contrôle et une plus grande appropriation de leurs systèmes de santé afin d’en assurer la viabilité à long terme, la résilience et l’amélioration des résultats pour leurs populations.