Les gouvernements du monde entier se démènent pour se procurer des équipements de protection individuelle, des kits de test, des ventilateurs et de l’oxygène. Mais en première ligne de la prestation de services au Kenya, nous entendons également les responsables locaux de la santé et les gestionnaires d’établissements avoir besoin d’argent pour des choses plus banales comme le carburant pour les ambulances et le temps d’antenne pour les communications par téléphone portable afin de coordonner la réponse. Même si le gouvernement kenyan réaffecte les fonds existants et mobilise des ressources supplémentaires pour faire face à la pandémie, il est impératif que les fonds parviennent aux établissements de santé. Et que les établissements de santé soient habilités à dépenser ces fonds pour couvrir les coûts de base. Le fait que cela ne se produise pas met en évidence les problèmes sous-jacents des systèmes de santé qui existaient avant COVID-19.
Des commentaires récents ont commencé à explorer les dimensions du financement de la santé dans le cadre de la réponse COVID 19. Certains ont estimé le montant du financement supplémentaire dont les pays à faible revenu ont besoin pour faire face à la pandémie, et ont comparé ce besoin au financement national disponible. D’autres ont donné un aperçu de la manière dont les pays peuvent manœuvrer dans le cadre des systèmes de gestion des finances publiques existants pour augmenter le budget de la santé, ainsi que des conseils sur les décisions clés en matière de financement de la santé sur lesquelles les pays doivent se concentrer afin de répondre de manière cohérente à la pandémie. Nous proposons des réflexions sur le Kenya afin d’explorer la manière dont certains de ces processus se déroulent dans la pratique, en nous concentrant sur le flux de fonds du gouvernement national vers les gouvernements des comtés, et des gouvernements des comtés vers les établissements de santé.
Capacité des gouvernements des comtés à allouer des ressources à la réponse
La loi kenyane sur la gestion des finances publiques (articles 110 à 115) permet aux gouvernements des comtés de créer un fonds d’urgence, qui peut être activé en cas de catastrophe sans autre forme de procès. Si certains comtés ont activé ces fonds, beaucoup ne l’ont pas fait. Pour dépenser au-delà de ces fonds de réserve, les assemblées des comtés doivent adopter des budgets supplémentaires. Ce processus a été retardé, en partie à cause du couvre-feu national, de l’interdiction des réunions, des restrictions de voyage et des mesures d’éloignement physique. Que les comtés commencent à puiser dans leurs fonds d’urgence ou dans les fonds nouvellement alloués, ils dépendent tous des transferts du gouvernement national pour financer leurs budgets. Compte tenu de l’historique des retards de décaissement, les comtés ont demandé au Trésor de veiller à ce que les transferts soient effectués en temps voulu.
Flux de fonds vers les prestataires de soins de santé
Le fait que le comté dispose de fonds à dépenser pour la réponse COVID ne garantit pas que les fonds soient acheminés vers les établissements de soins de santé. Le Kenya est passé à un système de gouvernement décentralisé en 2013. Les nouveaux gouvernements de comté contrôlent tous les établissements de santé primaires et secondaires du secteur public. Selon la loi PFM (section 109), tous les fonds collectés par les établissements publics doivent être remis au gouvernement du comté, à moins que le comté n’adopte une législation autorisant les établissements à recevoir et à conserver des fonds. Avant la décentralisation, les établissements de santé percevaient des recettes provenant des frais d’utilisation et des remboursements d’assurance, qu’ils utilisaient pour payer les coûts liés au personnel occasionnel, à l’entretien des installations et aux produits de base en cas de rupture de stock. Leurs budgets de fonctionnement ont également permis de financer les activités des équipes de gestion des établissements de santé et les efforts de sensibilisation des communautés. Après la dévolution, la plupart des comtés ont cherché à centraliser toutes les recettes dans les coffres du comté, au détriment des établissements de santé, en particulier des hôpitaux. Le gouvernement du comté est censé payer directement les coûts des installations, mais cette pratique est peu fiable et lente. Certains comtés ont adopté une législation visant à créer des “fonds d’amélioration des installations” où les recettes des installations sont collectées, puis utilisées par les installations. Cependant, les comtés qui ont mis en place ces dispositions sont l’exception plutôt que la norme. La majorité des établissements de santé publique au Kenya dépendent des gouvernements des comtés pour financer les besoins les plus élémentaires.
Les deux auteurs de ce blog sont associés à des programmes de travail visant à renforcer les achats de santé au niveau des comtés au Kenya. Au fond, ces efforts visent à permettre aux comtés de mieux dépenser l’argent destiné à la santé et à lier leurs allocations aux performances des prestataires. De plus en plus, il s’agit également de plaider pour que les gouvernements des comtés accordent une plus grande autonomie financière aux établissements publics. COVID 19 souligne en outre la nécessité pour le Kenya de renforcer les modalités d’achat afin, notamment, de permettre aux établissements publics de dépenser rapidement des fonds (tout en rendant des comptes) pour les éléments dont ils ont besoin pour fournir des services de santé de manière efficace, dans des circonstances normales et pendant COVID 19 !
Nirmala Ravishankar (ThinkWell, États-Unis) et Edwine Barasa (KEMRI Wellcome Trust, Kenya). Les auteurs remercient Boniface Mbuthia, Shano Guyo, Daniel Koech et Felix Murira pour leurs contributions.